Ancien directeur de la Pinacothèque de Paris (fermée en février 2016 après un redressement judiciaire) et spécialiste de Modigliani, Marc Restellini travaille à la réalisation d’un catalogue raisonné du peintre italien. Il a contribué, avec le collectionneur italien Carlo Pepi, à faire éclater un scandale retentissant en Italie, en mars, après avoir dénoncé la présence de nombreux faux avérés dans une exposition à Gênes.
Modigliani est réputé pour être l’un des artistes les plus copiés. Pour quelles raisons ?
Ce n’est pas un cas isolé : Corot, par exemple, l’est beaucoup plus. Mais Modigliani compte sans doute parmi ceux qu’on a le plus essayé de copier, probablement du fait de cette apparence qui laisse croire qu’il est « facile » de faire un Modigliani. Un artiste pourtant quasi infalsifiable. Dès sa mort en 1920, sa cote a grimpé, mais les premiers faux ne sont pas apparus avant 1935-1940. Certains faussaires ont prétendu avoir falsifié Modigliani dès les années 1930, mais ce sont souvent des personnes sans scrupule cherchant à se mettre eux-mêmes en valeur.
Le gros de la production de faux de Modigliani date des années 1955-1970. Des falsifications en nombre. Quatre ou cinq faussaires reviennent dans les dossiers que nous traitons. Là où l’œuvre de Modigliani s’avère un cas particulier, c’est que, dans les années 1950, ce sont les cataloguistes du peintre eux-mêmes qui ont développé les faux !
Quelles sont vos méthodes pour parvenir à une expertise scientifique indiscutable ?
Depuis vingt ans, j’ai établi un protocole d’analyse scientifique comparable à ce qui se fait dans le domaine médical. Il a dans un premier temps consisté à analyser un groupe étalon de tableaux reconnus comme authentiques à partir des collections historiques et documentations de sources primaires, telles celles des marchands ou collectionneurs directs de Modigliani.
Puis j’ai mis au point un protocole d’analyse scientifique, le même depuis vingt ans, afin d’établir une base comparative solide qui me permet de savoir , mois par mois entre 1905 et 1920, comment peignait Modigliani. Aujourd’hui, je dispose d’un corpus avec une base « imagimétrique » qui n’a jamais été mise en place. Vous associez cela à une base documentaire qui regroupe toutes les archives que j’ai en ma possession et vous avez – en principe – le catalogue le plus solide possible.
Combien de faux avez-vous identifiés à ce jour ?
Au moins plusieurs centaines. Les catalogues de Christian Parisot ou Joseph Lanthemann, par exemple, comportent un nombre d’œuvres sujettes à caution et mériteraient un nettoyage profond.
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