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Michel Chapuis, géant de l’orgue français, est mort

Titulaire à l’église Saint-Séverin, à Paris, puis à la Chapelle royale de Versailles, le musicien a été un pionnier du renouveau du répertoire baroque des XVIIe et XVIIIe siècles.

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Publié le 13 novembre 2017 à 11h43, modifié le 13 novembre 2017 à 11h43

Temps de Lecture 4 min.

Pochette d’un des albums de Michel Chapuis consacrés à Bach, Buxtehude, Daquin, Dandrieu et Clerambault.

Organiste de renommée internationale, pionnier du renouveau de l’interprétation de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles, concertiste, improvisateur et pédagogue, Michel Chapuis est mort dimanche 12 novembre à Dole (Jura), la ville qui l’avait vu naître il y a 87 ans, le 15 janvier 1930. Avec lui disparaît l’un des derniers représentants d’une génération flamboyante – Marie-Claire Alain, André Isoir et Jean Guillou (né en 1930).

Né dans une famille athée d’un père instituteur, Michel Chapuis découvre enfant le grand orgue Riepp de la Collégiale de Dole, où l’a emmené sa grand-mère un jour de première communion. Dès l’âge de 9 ans, il joue le dimanche en autodidacte. En 1943, il prend des cours de piano à Dijon avec Emile Poillot, puis commence en 1945 des études d’orgue auprès de Jeanne Marguillard, une ancienne élève de Louis Vierne qui est organiste à la cathédrale Sainte-Madeleine de Besançon. Deux ans après la fin de la guerre, il intègre l’Ecole César-Franck, à Paris, où il étudie pendant quatre ans avec René Malherbe (écriture) et Edouard Souberbielle (orgue), avant de devenir dès 1949, et jusqu’en 1951, organiste à Saint Germain-des-Prés.

Entré en 1950 au Conservatoire national de Paris dans la classe de Marcel Dupré, il y obtient en 1951 un Premier Prix d’interprétation et d’improvisation après un passage éclair. Il est nommé la même année titulaire à Saint-Germain-l’Auxerrois. Attiré par la facture d’orgue, Michel Chapuis entre comme stagiaire chez Erwin Muller à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Il y reste deux ans, engrangeant des connaissances qui lui permettront de participer à la restauration d’orgues historiques.

Restauration d’orgues

En 1954, son service militaire accompli, il accepte la tribune de l’orgue parisien construit par François-Henri Clicquot en 1777 à Saint-Nicolas-des-Champs, poste qu’il tiendra jusqu’en 1979, tout en cumulant de 1954 à 1963 la responsabilité de l’orgue de chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, où il assure l’accompagnement des offices liturgiques. Les postes se suivent, de tribune en tribune : en 1964, il est le cotitulaire de Jacques Marichal et Francis Chapelet à l’orgue de Saint-Séverin à Paris, que vient de restaurer le facteur Alfred Kern. Il lui restera attaché pendant plus de 35 ans puis quitte Paris en 1995 pour la chapelle royale du Château de Versailles, dans les Yvelines, et l’orgue historique de Robert Clicquot (père de François-Henri), dont il est titulaire jusqu’en 2010, puis organiste honoraire.

Michel Chapuis est la figure de proue d’une nouvelle génération d’organistes soucieux d’une interprétation « historiquement informée »

C’est précisément à Saint-Nicolas-des-Champs, qui possède le seul orgue parisien ayant conservé sa tuyauterie classique presque intégralement, que Michel Chapuis découvre le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles. Tant par le jeu que par l’étude théoriques des traités d’interprétation oubliés (il remet à l’honneur le jeu en notes inégales), il devient un ardent défenseur de Grigny, François et Louis Couperin, Marchand, Clérambault, Titelouze, Dandrieu, Daquin, et la figure de proue d’une nouvelle génération d’organistes soucieux d’une interprétation « historiquement informée ».

En 1963 et 1964, il supervise activement avec les facteurs Alfred Kern et Philippe Hartmann, la restauration de l’orgue Clicquot de Saint-Séverin (59 jeux sur quatre claviers et pédalier), événement qui constitue une étape importante dans l’évolution de la facture d’orgue française. Musicologue rigoureux et sémiologue averti, Michel Chapuis œuvre avec ténacité en faveur d’une restauration conforme à la conservation du patrimoine. Devant l’état de délabrement de certains instruments, il s’associe le 21 décembre 1967 à la création de l’Association française pour la sauvegarde des orgues anciens (AFSOA), bras armé d’une reconquête qui passe par la Commission nationale des monuments historiques, dont il est membre à la section des orgues, ainsi qu’expert agréé auprès des Beaux-Arts.

Talents d’improvisateur

Auteur d’une discographie conséquente parue notamment chez Valois, Astrée-Auvidis, Harmonia Mundi, Naïve, Telefunken, BNF Collection, Michel Chapuis ne s’est pas limité à la seule musique française, où son goût de coloriste en matière de registration fait merveille (intégrales de Grigny et Couperin). Ses enregistrements du répertoire allemand, et particulièrement son interprétation de Bach et de Buxtehude, restent des références tandis que ses talents d’improvisateur sont dans les mémoires – et, heureusement, sur YouTube.

Dès 1954, Michel Chapuis enseigne au Conservatoire de Strasbourg jusqu’en 1979, année où il devient professeur au Conservatoire de Besançon jusqu’en 1986 et sa nomination au Conservatoire national supérieur de Paris, où il tient la classe d’orgue jusqu’en 1995. Ses talents de pédagogue et sa vaste culture font de lui un maître recherché par de jeunes musiciens du monde entier. Il dispensera d’ailleurs des académies d’orgue dans l’Europe entière, ainsi qu’au Japon et aux Etats-Unis. Parmi ses élèves, Yves Castagnet, Thierry Escaich, François-Henri Houbart, Vincent Warnier.

Fasciné par l’orgue dès sa plus tendre enfance, Michel Chapuis aura voué plus de soixante-dix années de sa vie à la musique, une passion qu’il décrit en ces termes à son collègue Marc Baumann en 2003 : « Je ne prends jamais de vacances. D’ailleurs, je n’ai jamais travaillé non plus puisque j’ai toujours joué. (…) J’ai tellement voyagé dans ma vie que finalement ça ne m’est jamais venu à l’idée, rentrant chez moi de repartir pour visiter quelque chose. Mon métier m’a suffi ! »

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